Congés locatifs pour vente ou pour reprise intervenant après l’acquisition du bien immobilier
La Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt en date du 28 mars 2024 (n°21/19069) apportant de nouvelles précisions quant à l’application de l’article 15-1 alinéa 2 de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 portant sur les congés locatifs en matière de logement d’habitation loué nu et occupé à titre de résidence principale ; et plus spécifiquement, les congés locatifs délivrés jusqu’à trois ans après l’acquisition du bien immobilier.
Dispositions légales applicables aux congés locatifs
L’article 15 de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit les dispositions applicables aux congés locatifs pour les contrats de location portant sur un logement loué nu à titre de résidence principale.
Le bailleur d’un logement loué nu à titre de résidence principale peut donner congé à son ou ses locataire(s) en invoquant l’un des trois motifs suivants :
- Congé justifié par sa décision de reprendre le logement pour son propre bénéficie ou pour le bénéfice d’une des personnes exhaustivement énumérées par ladite loi : le conjoint, le partenaire de PACS (pacte civil de solidarité) ou le concubin dit « notoire » (c’est-à-dire depuis au moins un an à la date du congé) du bailleur ; l’un des ascendants ou descendants du bailleur ; ou encore l’un des ascendants ou descendants du conjoint, du partenaire de PACS ou du concubin notoire du bailleur ;
- Congé justifié par sa décision de vendre le logement;
- Congé justifié par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une de ses obligations
Le congé doit être notifié aux locataires : soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR), soit par acte signifié par un Commissaire de justice (anciennement Huissier de justice), soit par une remise en main propre contre récépissé ou émargement.
Le congé émanant du bailleur doit respecter un délai de préavis de six mois.
Ce délai court, respectivement selon le mode de notification : à compter du jour de la réception de la LRAR, de la signification de l’acte du Commissaire de justice (anciennement Huissier de justice) ou de la remise en main propre.
Dispositions particulières applicables aux congés locatifs en cas d’acquisition
Les alinéas 2 à 5 du I de l’article 15 de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoient que, lors de l’acquisition d’un bien loué :
Si la fin du bail en cours survient plus de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur peut notifier au locataire son congé pour vendre le bien à la fin du bail en cours ;
Si la fin du bail en cours survient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut notifier au locataire son congé pour vendre le bien qu’à l’issue de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du bail en cours ;
Si la fin du bail en cours survient moins de deux ans après l’acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur à la fin du bail en cours ne prend effet qu’à l’expiration d’une période de deux ans à compter de la date d’acquisition.
En cas de litige, le juge peut, même de sa propre initiative, vérifier la validité du motif du congé et le respect des obligations prévues par le présent article. Il peut notamment annuler le congé si la non-reconduction du bail n’est pas justifiée par des raisons sérieuses et légitimes.
Interprétations sur la notion d’«acquisition» en matière de congés locatifs
Au fil de la jurisprudence, la notion d’« acquisition » a fait l’objet de multiples interprétations :
Initialement, la Cour d’Appel de Paris (arrêt CA de Paris, Pôle 4 chambre 4 du 12 mars 2019, n° 16/17263) et la Cour d’appel de Versailles (arrêt CA de Versailles, 1B du 16 février 2021, n° 19/028711) avaient jugé que les dispositions particulières en cas d’acquisition ne s’appliquaient qu’en cas d’acquisition à titre onéreux.
Cependant, un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 19 novembre 2021 (arrêt CA de Paris, Pôle 4 chambre 3 du 19 novembre 2021, n° 19/05893) a contredit cette jurisprudence, considérant que les dispositions particulières en cas d’acquisition devaient également s’appliquer en cas d’acquisition par succession, legs ou donation. En effet, dans cet arrêt, la Cour a retenu que la condition d’acquisition « à titre onéreux » n’était pas prévue par la loi, et que le legs constituait une forme d’acquisition dérivée de la propriété. Plus récemment, la Cour d’Appel de Lyon, dans un arrêt du 5 avril 2023 (arrêt CA de Lyon du 5 avril 2023, n° 21/01571), a soutenu cette même position.
Revirement jurisprudentiel récent
L’arrêt du 28 mars 2024 de la Cour d’Appel de Paris marque un retour à l’interprétation initiale. Il précise que les dispositions particulières en cas d’acquisition de l’article 15 de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ne s’appliquent qu’aux bailleurs ayant acquis le bien à titre onéreux, excluant ainsi les acquisitions par voie successorale.